Lancer cette newsletter en 2023 avec un couvre - feu c’est un peu casse-gueule. Ça tombe bien. Cette année on va en casser des gueules avec la poésie - et des a priori aussi. Je dis « on » parce que j’espère bien que nous allons le faire ensemble. Je vais te faire découvrir des poèmes, ton job à toi sera de comprendre en quoi la poésie peut t'être utile.
C’est ma conviction, la poésie sert (dans) la vie. Elle peut même être directement opérationnelle. J’ai quelques poèmes qui m’accompagnent depuis longtemps.Leurs mots portent une signification souvent confuse, mais toujours juste. Mon amour de la poésie vient de là, de cette capacité à dire les choses sans les expliquer. Le poème te parle comme une vieille amie perdue de vue et croisée par hasard dans la rue. Le simple fait d’entendre sa voix te héler de l’autre côté du trottoir te rassure. C’est elle, elle te connait sans détour et t’a déjà pardonnée ta longue absence.
Et aujourd’hui, le temps est venu. En tous les cas pour Paul Éluard (1895 - 1952). Le 2 janvier 2023, son œuvre est tombée dans le domaine public. Elle peut désormais être utilisée et diffusée librement. Le domaine public est toujours une renaissance pour un poète ou une écrivaine, de quoi justifier mon choix pour cette première édition de Poésie Grand Débutant.
Et puis Couvre - Feu est un poème court. Je ne connais pas encore tes goûts et je ne veux pas t’écœurer d’emblée. Écrit en 1942, au cœur de la Seconde Guerre mondiale, le poème est aussi efficace. À la manière d’une prestation : Il délivre sa promesse. C’est-à-dire la vie contre la mort. En tout cas c’est ce que j’ai ressenti à sa lecture. Tu me diras si ça fait ça chez toi aussi.
COUVRE - FEU
Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés
Paul ÉLUARD
Poésie et Vérité 1942, Éditions de Minuit
Anecdotes & Broutilles
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
En 1917, Paul Éluard est à moins d’un kilomètre du peintre Marx Ernst. Chacun des deux hommes d’un côté des tranchées. L’un bombardant sans doute l’autre. Trois ans plus tard, les voilà copains comme cochon. La vie rime parfois à peu de chose.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le poème emblématique de la résistance Liberté écrit par Éluard est d’abord une ode à sa maîtresse avant d’être un hymne de résistance. (dans les faits l’un n’exclut pas l’autre).
En 1946, Paul Éluard refuse la Légion d’honneur. En 1952, le gouvernement lui refuse des funérailles nationales. Nananère.
C’est tout pour cette semaine, n’hésite pas à partager et commenter sur les réseaux avec #PoesieGD.
Et surtout, dis-moi ce que tu as aimé compris, détesté, mal appris. Bref, fais-moi part de ton sentiment. À la semaine prochaine dans ta boite mail.
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