#POGD 20 Peine d'ascenseur

Une poésie par semaine dans ta boite mail

Quatre mots. Il a suffi à Louise Labé (1524 - 1566) de quatre mots dans un titre pour soumettre la vie et la restituer intacte cinq siècles plus tard. À la manière d’un guerrier Jivaro, la voilà qui réduit la vie comme une tête n’en gardant que les sucs. Une tête sidérante. Celle de notre vie, ni coiffée ni maquillée. La vie vraie. Je défis quiconque de lire les vers qui suivent et de m’écrire en retour « Non, ce n’est pas moi dans ce miroir ».

À l’heure des psychologues, du développement personnel, des coachs, de l’ASMR, Louise nous renvoie un constat sans appel. L’ascenseur émotionnel de la vie affiche un panneau de commande sans bouton. Il dessert tous les étages. Du Palace étoilé au taudis du marchand de sommeil en passant par la maison de ville et chambre de bonne. Tout y est ; et pas forcément dans l’ordre.

Lire ce poème, c’est entendre sa vie à voix haute. La vrai, pas la petite musique d’ascenseur que nous susurre la société avec ses injonctions et solutions monétisées.

Dérouler la poésie comme le bruit du pas de l’escalier de l’être aimé.


Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé, œuvre poétiques, éditions Gallimard

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Fille d’un cordier lyonnais, fabricant des célèbres cordes du Rhône, Louise Labé reçoit une éducation complète dite à l’italienne. On lui enseigne le latin, l’italien, l’équitation, le luth et les armes. À la fin, elle choisit d’incarner la poésie. (corps et âme)

  • Amante du poète Olivier de Magny, ce dernier s’en vante sans détour dans son ode à Sir Aymon. Il en profite même pour nazarder l’époux de Louise. Nazarder — késako ? Littéralement « donner une chiquenaude sur le nez » au sens figuré se moquer de quelqu’un, le bafouer. (bitcher pour les intimes)

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