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Si je vous dis : Jacques à dit, vous me croyez. C’est comme ça. À l’heure du storytelling, tout le monde sait dire la vérité. Comme si la vérité était une chose importante. Une chose primordiale. Une chose unique.
La vérité n’a pas d’importance, pas plus que le mensonge. En tout cas plus en ce début de siècle. Elle est partout. Elle s’achète. Elle se vend. Volatile comme un poulet de Bresse sous cellophane, elle sera vite consommée.
Pourtant pour le poète la vérité est essentielle. Qui plus est, elle doit être pratique. Pratique — c’est-à-dire ? Le poète a fait ses humanités (des études ; —). Il sait que le mot pratique emprunte au latin chrétien practice, « vie concrète » lui même tiré du grec ancien praktikos, « qui agit ». En bref, la vérité transforme de façon on ne peut plus tangible.
Et pour aboutir à cette transformation, rien de plus concret que la poésie. Sans doute parce que le poème ne cherche pas la vérité. Il trône en tête de gondole comme une code promo pour l’humanité.
La poésie doit avoir pour but la vérité pratique
Si je vous dis que le soleil dans la forêt
Est comme un ventre qui se donne dans un lit
Vous me croyez vous approuvez tous mes désirs
Si je vous dis que le cristal d’un jour de pluie
Sonne toujours dans la paresse de l’amour
Vous me croyez vous allongez le temps d’aimer
Si je vous dis que sur les branches de mon lit
Fait son nid un oiseau qui ne dit jamais oui
Vous me croyez vous partagez mon inquiétude
Si je vous dis que dans le golfe d’une source
Tourne la clé d’un fleuve entr’ouvrant la verdure
Vous me croyez encore plus vous comprenez
Mais si je chante sans détours ma rue entière
Et mon pays entier comme une rue sans fin
Vous ne me croyez plus vous allez au désert
Car vous marchez sans but sans savoir que les hommes
Ont besoin d’être unis d’espérer de lutter
Pour expliquer le monde et pour le transformer
D’un seul pas de mon coeur je vous entraînerai
Je suis sans forces j’ai vécu je vis encore
Mais je m’étonne de parler pour vous ravir
Quand je voudrais vous libérer pour vous confondre
Aussi bien avec l’algue et le jonc de l’aurore
Qu’avec nos frères qui construisent leur lumière
Paul Éluard, in Le livre d'or de la poésie française; Marabout Université
Voix off
Lire le poème avec les oreilles.
Anecdotes & Broutilles
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
Lorsque Paul Éluard (1895 - 1952) écrit le fameux vers : La terre est bleue comme une orange, on ne dispose pas encore d’image satellite de la planète. L’image est absurde jusqu’à ce qu’elle s’avère annonciatrice. Prions qu’aucun poète n’écrive La terre est chaude comme un sauna finlandais. (les mauvais poètes font les mauvaises prédictions 🤞)
Paul Éluard, tuberculeux, rencontre à 17 ans au sanatorium de Clavadel Elena Ivanovna Diakonova. Il l’épouse 1917 à Paris. Celle-ci se fait bientôt connaître sous le pseudonyme de Gala. Égérie des surréalistes, elle devient l’amant de Marx Ernst avant d’épouser Dali. Femme d’affaires avisée, elle transforme la peinture de son nouveau mari en véritable business. Sans doute si elle était restée avec Éluard, ce serait la poésie que l’on paierait très cher aujourd’hui. (hypothèse de comptoir)
Un dernier mot. L’été est le moment idéal pour découvrir la poésie. Cette newsletter est à partager avec celles et ceux à qui vous voulez du bien.
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