Lorsque Sigmund, père de Sinfjötli met son fils à l’épreuve, la neige tombe drue et le ciel est gris. Le père laisse son fils dans sa cabane et avant de partir lui ordonne de faire du pain avec le sac de farine dans lequel se trouve une vipère. Quand il rentre le soir, l’odeur du pain chaud embaume la pièce et Sinfjötli attend assis l’air rêveur. Sigmund lui demande « N’as-tu rien trouvé dans la farine. Sinfjötli lui répond qu’il a bien vu quelque chose, mais qu’occupé à pétrir la pâte, il n’y a pas prêté attention et que le tout est parti au four.
Initiation, réussie, Sinfjötli a affronté sa peur de la bête et gagné l’estime de son père. Théorème du courage. J’aime croire pourtant que le courage est ailleurs. Niché dans les mains de Sinfjötli, mélangeant l’eau et la farine alors que le serpent glisse. Le jeune garçon l’ignore. Pourquoi ? Parce que son véritable courage consiste à se consacrer à sa tâche et à ne pas se laisser distraire.
Dans un monde où les peurs et passions tournoient autour de nous, il est — il me semble — essentiel de ne pas les laisser nous distraire. Aimons plutôt d’une manière véritable comme nous l’enseigne le poète. (et armez-vous de courage, un peu, le français date ;-)
Bien, je l'ay dit, je le confesse,
Que nul ne te pourroit aimer
Autant que je t'aime, Maistresse,
Sçachant mieux qu'autre t'estimer :
Car d'autant que je cognoy plus
Et tes beautez et tes vertus,
D'autant ma Francine je doy
Mettre plus grande amour en toy.
Un autre moins digne, peut estre,
Du premier coup s'éblouira,
Et ne te pouvant pas conoistre
Un fol amour en souffrira,
Pour un rayon de ta beauté
Perdant de raison la clarté,
Et par trop vaine passion
T'offrira son affection.
Mais dy : quel service agreable
D'un tel fol pourras tu tirer,
Qui te criant non pitoyable
Ne fera rien que souspirer,
Que t'ennuier de ses ennuis
Qu'il prendra les jours et les nuits,
Pour ton amour, comme il crira,
Mais par sottise il languira.
Non ainsi, non ainsi, Francine,
Je ne t'aime ainsi folement,
D'un ray de ta valeur divine
Souffrant un fol aveuglement.
Ce qui me fait ainsi t'aimer
C'est que je sçay bien t'estimer,
C'est que sage je cognoy bien
Tes graces qui me rendent tien :
Qui mourroyent, las, si de mes graces
Elles n'avoyent les belles fleurs,
Que mignardement tu embrasses
Pour orner tes dines valeurs
De leur chapelet fleurissant
Par l'age ne se fanissant,
Que je leur donray bien apris,
Puis que tu ne l'as en mépris.
Et ce qui me donne courage,
C'est que tu cheris mes chansons,
Les aimant d'un jugement sage,
Bien que j'agence leurs façons,
N'étant d'amour au coeur ateint,
En l'honneur d'un nom que j'ay feint.
Combien donc les cheriras tu
Quand je chanteray ta vertu ?
Tu les entans, tu les caresses,
Et puis que tu les aimes tant
De leurs mignardes gentillesses
Ton desir je feray contant.
Francine, si tu prens à gré
Mon chant tout à toy consacré,
Si je te voy te plaire aux sons
De mes amoureuses chansons,
Je feray que nulle ancienne
Ne s'élevera dessur toy :
Je feray que la gloire tienne,
Pour t'avoir obligé ma foy,
Bien peu d'envie portera
A la plus brave qu'on lira
De nostre temps avoir eu l'heur
De gagner d'un Poëte le coeur.
Jean-Antoine de Baïf, œuvres complètes, Classiques Garnier
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
Jean — Antoine de Baïf (1532 - 1589), né à Venise passe la majorité de sa vie à Paris, où il meurt. On lui doit l’expression « Quand le vin est tiré, il faut le boire » (au vers et non à la bouteille, si possible)
Le poète crée en 1570, la première Académie littéraire de son temps. Le nom est tiré d’Akadêmos, héros athénien à qui l’on dédia des jardins où Platon et ses amis allèrent plus tard philosopher. (À ne pas confondre avec les jardins d’Hamilcar où Flaubert traînait enfant)
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