#POGD 12 Le jardin d'acclimatation

Une poésie par semaine dans ta boite mail

Est-ce que les mots peuvent consoler ? Peuvent-ils seulement mettre un peu de baume sur l’intolérable. Qui n’a pas reçu un jour un sms, une attention par écrit qui disait en substance : je t’aime — je pense à toi. Ta douleur est la mienne et maintenant, elle te fait un peu moins mal. La poésie raconte aussi cette histoire-là. La compassion. Et la mémoire aussi.

La mémoire de ces matelots qui partaient au bout du monde pour gagner leur vie. De ces encore enfants, Mari sur la terre, selon le poète qui s’engageaient comme mousse pour ramener une paye à leur famille. Il y a dans le poème de la semaine quelque chose de profondément touchant. La mort apparaît brute dès le premier vers. Mais loin de s’y laisser abattre, le narrateur l’accueille, la raconte, la déploie. Il utilise les mots pour circonscrire, non pas la douleur, mais l’anéantissement. Il raconte une histoire, la sienne, celle de l’équipage et du mousse.

La poésie raconte l’histoire de la vie et quand la mort s’en mêle, les mots du poète forment deux bras qui embrassent pour apaiser et consoler. Ceux qui ont vécu sont toujours vivants.


Lettre du Mexique

La Vera-Cruz, 10 février.

« Vous m’avez confié le petit. Il est mort.

Et plus d’un camarade avec, pauvre cher être.

L’équipage… y en a plus, Il reviendra peut-être

Quelques-uns de nous, — c’est le sort —

«  Rien n’est beau comme ça — Matelot — pour un homme ;

Tout le monde en voudrait à terre — C’est bien sûr.

Sans le désagrément. Rien que ça : Voyez comme

Déjà l’apprentissage est dur.

« Je pleure en marquant ça, moi, vieux Frère-la-côte.

J’aurais donné ma peau joliment sans façon

Pour vous le renvoyer… Moi, ce n’est pas ma faute :

Ce mal-là n’a pas de raison.

« La fièvre est ici comme Mars en carême.

Au cimetière on va toucher sa ration.

Le zouave a nommé ça — Parisien quand-même —

Le jardin d’acclimatation.

« Consolez-vous. Le monde y crève comme mouches.

J’ai trouvé dans son sac des souvenirs de cœur :

Un portrait de fille, et deux petites babouches,

Et marqué — Cadeau pour ma sœur l

« Il fait dire à maman : qu’il a fait sa prière.

Au père : qu’il serait mieux mort dans un combat

Deux anges étaient là sur son heure dernière :

Un matelot. Un vieux soldat. »

Toulon, 24 mai.

Tristan Corbière, Les amours jaunes, Poésie Gallimard

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Personne ne voulant publier son recueil Les amours jaunes, il se résolut à le faire paraître à compte d’auteur chez les frères Gladys, éditeurs de livres pornographiques. (La poésie c’est toujours cucul).

  • Agonisant à l’âge de 30 ans à l’hospice Dubois. Il déclara à sa fiancée dans souffle où perçait encore un sourire " Je suis à la maison Dubois, du bois dont on fait les cercueils. " Il mourut deux mois plus tard. (mourir de rire)

  • C’est tout pour cette semaine, n’hésite pas à partager cette newsletter à un ou une amie dans la peine.

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